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Les (mal aimés) graisses

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Les lipides sont un nutriment, comme les protéines et les glucides. Nous mangeons des aliments qui contiennent des nutriments, souvent qu’un de seul.

Nous trouvons des lipides ou corps gras dans notre alimentation, sous une variété de molécules différentes : les triglycérides, les phospholipides, le cholestérol ou encore les vitamines liposolubles. Toutes ces molécules développent des rôles différents et nécessaires pour notre organisme. Les phospholipides sont par exemple composants des membranes cellulaires. Le cholestérol est précurseur de certaines hormones, qui jouent un rôle dans le processus d’inflammation, dans les transmissions au niveau des synapses, dans la contraction des muscles lisses, dans la régulation de la pression artérielle…

La consommation de graisses d’origine animale forme une part de la culture culinaire française et de notre patrimoine gastronomique. Il s’agit de trouver leur juste place et leur quantité adéquate. Il faut les cuire avec les techniques qui respectent le produit et peut-être, de ne pas abuser de viande rouge tous les jours si nous cherchons un équilibre alimentaire.

Rôles des lipides dans l’organisme :

  • Réserve énergétique : réserve d’énergie sous forme de triglycérides.
  • Rôle structural : présence dans les membranes cellulaires.
  • Rôle endocrinien : les adipocytes, ou cellules du tissu adipeux produisent des hormones endocrines, des signaux responsables de la régulation métabolique de diverses molécules : des enzymes (nécessaires pour différents processus de l’organisme), des vitamines, des hormones…

Ce nutriment n’est pas mauvais en soi. C’est son leur excès ou le manque, le déséquilibre, la perte de l’homéostasies qui provoquent des syndromes métaboliques et des pathologies.

Il y a plusieurs types de gras, et une certaine obsession à faire le tri entre du « bon » du « mauvais ». Comme si une sorte de Graal existait pour apporter la solution idéale, par exemple si nous consommions assez d’oméga 3. Déjà, je dois casser ce mythe : avec 1 % de doses journalières d’Omega 3, notre organisme est plus qu’heureux. Il n’en faut donc pas une tonne. Le point n’est pas la quantité de Omega 3 qu’on déglutit, mais le rapport aux autres types de graisses dans l’alimentation.

L’alimentation saine, équilibrée ne consiste pas à avaler un certain grammage d’acides gras poly insaturés. Cela ne sert strictement à rien. C’est l’ensemble de l’alimentation, l’interaction entre tous les aliments, et une alimentation majoritairement végétale qui sont les indicateurs d’une alimentation saine.

Il est peu utile d’avaler des pilules d’huile de poisson, car les bénéfices en mangeant du poison dépassent largement la dose d’Omega 3 qu’il contient. D’un côté il y a la matrice de l’aliment, comment notre organisme le décortique, et ce qu’il obtient, c’est-à-dire pas uniquement de l’acide gras poly insaturé. C’est ça la base de la nutrition. C’est beau. D’un autre côté, manger du poisson veut dire que dans le même temps, on ne mange pas autre chose : on « déplace » la possible mauvaise alimentation. Vous voyez comme un complément alimentaire ne va jamais remplacer une alimentation saine ? Ce n’est simplement pas la même chose.

Suivre les recommandations (simples) en s’alimentant principalement d’aliments, entiers, bruts, cuisinés maison, de fruits, de légumes, de légumineuses, de semis et de graines, et en option, de la viande majoritairement blanche, des poissons maigres et gras, des œufs, et en option aussi, des produits laitiers et des céréales complètes, c’est assurer le bon équilibre des lipides.

Pour rentrer dans le détail, si cela vous intéresse :

Il y a les acides gras indispensables ou essentiels (comme les acides aminés essentiels), qui doivent obligatoirement être apportés par la nutrition. Ce sont l’acide linoléique (LA) et l’acide alpha linolénique (ALA). Ils développent une longue liste de fonctions dans notre organisme, et on les trouve principalement dans les huiles végétales et les graines (les fruits oléagineux), ainsi que dans le poisson gras. Ces acides gras entrent dans la catégorie des acides gras poly insaturés AGPI, dont leur rôle majeur est la prévention des maladies cardiovasculaires, en empêchant la création de plaques riches en cholestérol sur la paroi interne des artères.

Sources d’ALA : des oléagineux, comme les noix, les amandes… l’huile de colza (cru), l’huile de noix.

Conseil : les molécules d’oméga 3 acide alpha linolénique dans l’huile ne doivent pas être chauffées, car elles ne supportent pas la chaleur. Quand elles sont dans les graines, comme les graines de lin ou de chia, mieux vaut les stocker au frigo pour les protéger de la lumière et garder leur fraîcheur, car elles s’oxydent vite.

Avant de passer à la catégorie suivante, il faut mentionner les EPA et DHA. Ce sont des acides gras semi-indispensables. Ils sont importants pour l’organisme. Leur apport journalier par l’alimentation est donc recommandé. Ils peuvent par contre être créés par le corps s’il y a les « briques » nécessaires. Ils aident à descendre les taux de triglycérides et sont les constituants des membranes cellulaires.

Sources : poissons, au moins deux fois par semaine, et au moins une fois du poisson gras.

La deuxième catégorie, ce sont les acides gras mono-insaturés AGMI. Notre cerveau les aime bien, car ils jouent un rôle indispensable dans les structures cérébrales. Nous trouvons l’acide oléique dans l’huile d’olive. Il forme une part des membranes de certains organes, et il joue un rôle régulateur dans le métabolisme du cholestérol. L’huile de colza (qu’il faut consommer crue) en contient aussi une quantité non négligeable.

Conseil : aucune huile ne présente un mélange idéal d’acides gras. La mélange 50 %/50 % de l’huile d’olive vierge extra et huile de colza s’en rapproche et peut être fait maison. Peut être utilisé dans les vinaigrettes, à cru. Vous pouvez la préparer dans un petit récipient à l’avance, si possible avec un flacon doseur.

La troisième famille d’acides gras, ce sont ceux qui sont origine animale, les mal-aimés acides gras saturés. Ou plutôt, bien aimés, mais avec une certaine culpabilité, un peu de « je sais que ce n’est pas bien, mais c’est tellement bon… ». Des acides gras saturés il y en a plein de types, de courte, de moyenne et de longue chaîne. Il y a donc différentes qualités d’acides gras saturés, et ils ne sont pas tous délétères. Les acides gras saturés du lait entier sont par exemple très bien. Ils ne sont pas nécessaires (pas essentiels, comme nous l’avons vu), mais leur consommation n’entraîne pas une mauvaise alimentation.

Et j’insiste : c’est une question de rapport entre les graisses, pas d’exclusion totale. Une question d’équilibre. Les nouvelles recherches en consommation de viande rouge indiquent par exemple que l’effet de sa consommation n’est pas mauvais pour la santé si celle-ci reste sporadique (1 fois toutes les semaines ou 15 jours), et quand l’alimentation inclut principalement des fruits, légumes, légumineuses, graines et semis, céréales complètes, qui sont des facteurs protecteurs.

Les acides gras saturés jouent des rôles bien précis dans notre organisme. Que ce soit clair, c’est leur excès qui est mauvais pour la santé. Pas leur consommation.

Recommandation officielle 

  • Consommation de 500g maximum de viande rouge par semaine (bœuf, agneau, veau, porc… toute la viande hors volaille) : notez qu’il s’agit d’un maximum et pas d’un minimum.  
  • Consommation de 150g maximum de charcuterie par semaine, donc de viande transformée. Sa consommation est à limiter, car liée aux maladies graves comme le cancer.
  • Choisir des produits laitiers moins gras, comme le fromage blanc par exemple. Limiter la consommation de graisses animales comme la crème fraîche. Ne pas surchauffer les graisses animales, comme le beurre, car on peut créer des composants toxiques et perdre des vitamines. 

Attention aux fromages très riches en graisses qui peuvent déséquilibrer la balance d’acides gras. Si nous consommons ces aliments en excès, nous augmentons le risque de souffrir de certaines maladies métaboliques, comme le surpoids, l’obésité, la dyslipidémie (cholestérol), des maladies cardio-vasculaires et des cancers.

La dernière catégorie, et je le mentionne en dernier, car elle n’est vraiment pas très intéressante nutritionnellement, ce sont acides gras trans. Ces acides gras ne se trouvent pas dans la nature, ou très peu, et ils ne développent aucun rôle physiologique. Ils sont utilisés dans l’industrie agroalimentaire, car ils ont des propriétés technologiques de texture, de conservation et d’odeur. Ils sont donc principalement présents dans les produits ultra-transformés, dont la consommation n’est pas recommandée, ou à réduire au maximum. La raison : il est démontré que leur consommation augmente le cholestérol et le risque de maladies cardiovasculaires. Comme ils ne développent aucun rôle pour l’organisme, mieux vaut les écarter de notre alimentation. S’ils se trouvent dans un produit que nous voulons acheter, veillez à ce qu’ils ne dépassent pas 2 % pour 100 g de produit.

L’huile de palme et toutes les huiles raffinées utilisées par les industriels dans la production de produits ultra-transformés ne sont pas recommandées. La consommation de ce type de produits n’est pas recommandée tout court. Non pas parce qu’ils contiennent de l’huile raffinée, mais parce que ces produits sont trop gras, trop sucrés, trop caloriques, et qu’ils ne contiennent pas de nutriments. Et surtout, leur consommation « déplace » la consommation d’autres aliments qui eux sont bons pour la santé.

Un petit épisode pour le cholestérol. C’est une molécule naturellement présente dans notre organisme, formateur des acides biliaires dans le foie, des hormones stéroïdes et de la vitamine D. Il se trouve dans toutes les membranes cellulaires. Quand nous en avons trop, on parle d’hypercholestérolémie. Il s’agit d’un trouble métabolique qui peut contribuer à l’apparition d’autres maladies, comme les maladies cardio-vasculaires. Mais attention, ce n’est pas le cholestérol alimentaire qui fait augmenter la cholestérolémie. Ce sont souvent d’autres coupables : une alimentation trop riche en sucres, comme les jus de fruits, bonbons, produits d’apéritif, comme les chips et les snacks salés, en friture comme les frites et les poissons pannés, et un manque d’activité physique peuvent installer, au fil du temps, une hypercholestérolémie. Dans ce cas, il faudra réduire leur apport alimentaire, car il peut aggraver la situation. Donc on les limitera en cas de pathologie.

Les petites perles du gras, ce sont les vitamines liposolubles. ADEK, donc vitamine A, vitamine D, vitamine E et vitamine K. Ces vitamines ont une particularité : elles ne peuvent pas voyager par elles-mêmes dans le sang, car ils repoussent l’eau (comme l’huile et l’eau, si vous avez déjà fait l’expérience). Mais pas d’inquiétude, dans notre alimentation c’est rare que nous consommions ces vitamines isolées.

Conseil : pensez à manger votre fruit en collation avec une poignée de noix, ou à mettre une cuillère d’huile de coco crue dans votre smoothie de fruit et légumes. Déjà, cela aidera à gérer la glycémie induite par la consommation de glucides. Aussi, les acides gras présents dans ces aliments vont jouer le rôle de petits véhicules qui transportent les vitamines ADEK à la bonne adresse dans l’organisme.

En conclusion, à échelle de la population, nous consommons trop de graisses saturées, et pas assez de polyinsaturés. Donc, si vous soignez votre santé en soignant votre alimentation, essayez la perspective suivante : il ne s’agit pas d’enlever des graisses de notre alimentation, mais den varier les sources. N’oubliez pas les fruits oléagineux (noix, amandes, noisettes), les graines, les semis, le coco, l’avocat, les olives… Ainsi que les sardines, le thon, le maquereau, les œufs, le lait, les fromages… et bien sûr le poulet, le bœuf, l’agneau, le canard… il y en a pour tous les goûts ! Les seules graisses à éviter sont les charcuteries, les viennoiseries (de boulangerie ou industrielle), les produits ultra-transformés, et en général n’importe quel produit comestible qui contient des huiles de mauvaise qualité dites « raffinées » et/ou acides gras trans.

Et comme ils disent, « le gras, c’est la vie  ! » 

mar bordanova dieteticienne nutritionniste lipides